vendredi 18 mai 2012

Le syndrome de glissement Elisabeth Laureau-Daull

Le syndrome de glissement




Le terme de glissement a été utilisé en 1967 par P. Graux pour désigner la modification du comportement de certaines personnes très âgées. Ce changement se caractérise par une détérioration globale des fonctions intellectuelles, un désintérêt pour toutes choses, un refus de se mouvoir et de s'alimenter. Le plus souvent cette pathologie est consécutive à une maladie ou un accident. Son pronostic est très péjoratif.
Le vieillissement du corps humain qui commence vers la trentaine est également appelé homéosténose. Néanmoins l'homéosténose qui caractérise le vieillissement « habituel de l'individu » ne doit pas être confondu avec le syndrome glissement qui lui survient dans les derniers mois voire les derniers jours de la vie. (source vulgaris medical)



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Même si Mme Julienne , 85 ans, se vante d’avoir 20 sur 20 à l’indicateur de Katz (celui qui mesure l’aptitude du senior à réaliser les activités basique de son quotidien), celle-ci a le désir de finir sa vie dans la sérénité.

Elle veut anticiper sa dépendance et ne veut pas être prise au dépourvue quand celle-ci sera venue.

Mme Julienne a visité une dizaine de maisons de retraite, a dressé des tableaux comparatifs mais a choisi sa dernière demeure par tirage au sort !

En entrant dans cet EHPAD (établissement hospitalier pour personnes âgées dépendante), Julienne sait qu’elle a franchi un point de non retour. Elle pressent le piège de celle qui n’a ni descendants, ni collatéraux, ni amitiés…

Même en allant rendre visite une dernière fois aux commerçants de son quartier, elle comprend dans leur attitude que sa réserve d’avenir est épuisée. « Aucun n’a semblé ému, ils étaient trop occupés ».

Elle découvre non sans effroi qu’elle est impuissante face une administration qui non seulement gomme la personnalité de ses pensionnaires en les infantilisant mais aussi les prive de toute liberté d’action ou de penser.

« Pour les gens des Mouettes, je suis née vieillarde, je n’ai pas de passé. Ils ont réceptionné, il y a quelques mois un paquet avarié. (…) ils n’ont pas envie de connaître celle que j’ai été. ».

La vie de Julienne n’est réalité que si elle l’a couche sur du papier. Ainsi, alors qu’elle a toujours fait, elle va se raccrocher à la rédaction d’un journal pour garder l’espoir. Enlevez le "o" aux Mouettes et vous obtenez un lot de vieilles muettes qui dodelinent du chapeau.

Malheureusement, elle s'aperçoit une nouvelle fois encore qu’elle vit à la veille de ce qu’elle aurait aimé être. Elle n’est que « le recto d’un verso fantasmé ». Le regard qu’elle porte dans le rétroviseur (ses relations avec sa grand-mère maternelle et sa mère) la bouleverse.

Par ailleurs, ce journal est aussi le début des ennuis de Julienne face à l’administration. Les pensionnaires veulent participer à la rédaction du journal de Julienne et boycottent les activités (revue de presse, les jeux de mémoire, l’ergothérapie) proposées par le centre. Le directeur va la convoquer et la menacer. Le combat va devenir inégal et Julienne va sombrer dans la dépression.

Alors qu’elle hurle sa détresse, d’avoir faim passé minuit (on dîne à 18h), d’avoir froid (chauffage éteint), que l’on rentre dans sa chambre sans frapper (aucune chambre ne ferme de l’intérieur), elle souhaite rentrer chez elle …Julienne va s’entendre répondre avec cruauté « Chez vous, c’est où, Mamie ? ».

Elle s’aperçoit que son seul crime est celui de vieillir. Le syndrome de glissement va avoir raison de sa vitalité…

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Avec ce premier roman, Elisabeth Laureau-Daull brosse un portrait sans complaisance de l’univers des maisons de retraite. Par l’écriture, certains tabous sont levés (la négligence active) et la question de la dépendance des personnes âgée est soulevée. Si le sujet est par moment douloureux ( je ne sais quelle faute j'ai commise pour qu'on m'ait enfermée), le personnage de Jeanne affronte avec lucidité et humour un personnel méprisant et un directeur complice....

Par ailleurs, « le syndrome du glissement » est aussi l’histoire de Julienne, une femme forte et libre.

A lire et à relire pour faire évoluer les consciences…Sommes-nous pas « les vieux »de demain ?

Un dernier extrait du livre  "On entend parler partout du droit de mourir dignement. Moi, ce que je voudrais, c'est vivre dignement. Est-ce trop demander ?"


http://www.alma-france.org/

http://www.alma-france.org/




Le Syndrome du Glissement

Editions Arléa -18€


Tu verras tu seras bien Jean Ferrat par rozenfelds

1 commentaire:

Annick Demouzon a dit…

Voilà un livre qui promet. Avant même de l'avoir lu, je sais que, ce livre, j'aurais aimé l'écrire.
J'y cours (tant que je, peux encore courir)